Quand on est comblé, on ressent souvent le besoin de partager… C’est le cas de l’Ensemble vocal Extravaganza qui débute cette année ce qui, nous l’espérons, deviendra une tradition: honorer, une fois l’an, une personnalité qui s’est distinguée dans un domaine ou un autre, soit musical, artistique, social, humanitaire, enfin un individu qui nous aura touchés en rejoignant les valeurs de partage, de générosité et d’inclusion que notre Ensemble vocal a faites siennes.
Le prix Extra, sera remis cette année à un homme qui a consacré sa vie à la musique, et surtout qui a partagé généreusement sa passion pendant plus de 50 ans avec pas loin d’un millier d’amateurs; un amateur étant, évidemment quelqu’un qui aime avec enthousiasme quelque chose.
J’ai parlé ici de monsieur Yvan Provost, compositeur, arrangeur, pianiste, organiste et directeur de chœur et d’orchestre.
Laissez-moi vous vous tracer les grandes lignes de son parcours :
Yvan Provost est né en 1931 dans une famille dont la mère était pianiste et le père, professeur de chant (le 1er professeur de Ginette Reno soit dit en passant).
À 16 ans, il est admis au conservatoire de musique où il étudie pendant 10 ans, le piano, l’orgue, la composition et la direction musicale.
Déjà à cette époque, il se distingue en gagnant, presque à tout coup, tous les concours auxquels il participe. Wilfrid Pelletier lui-même l’avait remarqué tant son jeu l’avait impressionné.
Il n’a que 18 ans lorsqu’il fonde sa première chorale: le Chœur de Mon Pays.
À 26 ans, il obtient le poste de Maître de chapelle et d’organiste à l’église St-Léon de Westmount.
2 ans plus tard, Yvan Provost revient dans le quartier où il a grandi à titre de maître de chapelle de L’Église Notre-Dame-du-Rosaire, poste qu’il tient pendant 31 ans.
Le Chœur Notre-Dame-du-Rosaire rebaptisé en 1978 le Chœur Ars Philarmonia devient, sous la baguette de monsieur Provost, l’un des chœurs illustres du Grand Montréal.
Ceux qui ont vécu l’aventure se souviennent certainement des concerts grandioses, accompagnés par l’orchestre du même nom qui ont fait la réputation d’Ars Philarmonia. De fait, Yvan Provost n’hésite pas à s’attaquer à de grandes œuvres
En plus de ses propres compositions, Poulenc, Vivaldi, Mendelssohn, Back, Mozart, Rossini, Dvorak sont autant de compositeurs auxquels Ars Philarmonia s’est frotté, monsieur Provost enseignant patiemment, souvent leurs œuvres note à note et rendant ainsi accessible de la grande musique à des choristes qui croyaient parfois au départ, le défi impossible.
Et comme si ce n’était pas assez, entre temps, Yvan Provost fonde Les Chanteurs de la Gamme d’Or, un ensemble qui embrasse un répertoire plus léger. Ils se produisent entre autres plusieurs fois à L’Expo 67.
Après son passage à Notre-Dame-du-Rosaire, il entame un nouveau défi en acceptant le poste d’organiste et de maître de chapelle à L’Église Notre-Dame-de-la-Défense. Il y restera 17 ans pendant lesquelles, il fait parallèlement une petite incursion du côté du Philarmonique des Pompiers.
Après quoi (il a alors 72 puis 73 ans), il organise de façon ponctuelle des concerts avec l’Ensemble Pro Pul Son. Il donne, avec ce groupe, son dernier concert public en 2006, un magnifique programme de Noël accompagné d’un orchestre de 20 musiciens.
La composition tient aussi une très grande place dans sa vie. Au cours de sa carrière, Yvan Provost a composé 5 messes, un Requiem, de très nombreuses pièces pour voix solo, chœur, piano, orgue ou orchestre, un Te Deum, une pièce pour orchestre à cordes intitulé Ombres et Lumières publiée en Suisse et en Italie. Sans oublier sa Suite Marine créée par la soprano Christiane Riel (sa fille et chanteuse d’opéra internationale) et un quintette de cuivres qu’il compose pour son ami Louis Babin. Il a également composé pas une, ni 2, mais bien 4 Symphonies!
Au travers tout ça, il trouve le moyen d’accompagner au piano des récitals Bel canto où chante entres autre, la soprano Sylviane Alain, sa tendre épouse… Qui, il est important ici de le mentionner, en plus d’avoir une voix de soliste remarquable, a toujours été impliquée de près ou de loin dans les entreprises musicales de son mari.
Bref, vous l’aurez compris, Yvan Provost est un homme de grand talent qui a choisi de se consacrer aux choristes amateurs à qui il a offert tout ce qu’il avait de générosité et de compétence.
Chanter sous sa direction c’était se faire happer par son enthousiasme, c’était rassurant, valorisant aussi. Si j’ai l’air d’en parler comme si j’y étais, c’est parce de fait, j’ai eu le grand bonheur d’y être… Et j’ai eu droit comme des centaines de choristes et musiciens, à ses bouffées d’affections… et d’impatience aussi parfois, où ils nous disputaient gentiment en nous appelant au passage «mes enfants» .
Seulement moi j’avais le très grand privilège (que je partageais avec ma sœur et mon frère) de pouvoir l’appeler papa !
Aujourd’hui donc Papa, parce qu’après avoir reçu la musique en héritage, t’as choisi de la partager…
Parce que l’apport de musiciens professionnels comme toi, qui se dévouent aux amateurs, qui grâce à toi sont devenus des mélomanes curieux, puis avisés, qui remplissent des salles ou attirent famille et amis à leurs propres spectacles… parce que cet apport-là, c’est prouvé, est absolument essentiel à la survie de la musique, qu’elle soit amateur ou professionnelle ; au nom de tous ceux à qui ces 50 ans ont profité et profitent encore, merci !
Mesdames et Messieurs, j’invite Yvan Provost à venir recevoir son prix hommage ; le premier « EXTRA » une œuvre en verre soufflé représentant une goutte d’eau, réalisée par des artisans d’ici, symbole de l’eau qui coule, circule, rafraîchit, l’eau qui brille aussi parfois, dans laquelle on plonge, symbole que chaque goutte d’eau est essentielle parce que ce sont les gouttes d’eau qui font les rivières…
Sylvie Provost
19 décembre 2012