Compositeur en résidence à FACE

Visages

Suite pour chœur, harmonie de concert et orchestre à cordes.
Œuvre commandée pour souligner le 35e anniversaire de l’École FACE.

Carol Kay, trois élèves et Louis Babin

Le titre de la suite s’inspire d’un document de présentation de l’école intitulé Le visage de FACE’s Many Faces que l’on m’a remis au tout début de mon mandat de compositeur en résidence. On y voit des photos de type portrait démontrant la variété des origines des étudiants à FACE. Par la suite, j’ai eu l’opportunité de rencontrer les élèves du quatrième et cinquième secondaire afin d’expérimenter avec eux quelques notions de techniques contemporaines appliquées aux voix et d’expliquer ma démarche créative. Mais, ce n’était pas suffisant pour moi. Je voulais échanger avec les jeunes de façon plus directe afin de mieux comprendre les liens qui les

unissent entre eux et avec l’école si particulière qu’est FACE. On m’a accordé le privilège de discuter avec un petit groupe d’une douzaine d’étudiants. Un sentiment d’appartenance très fort s’est dégagé de cette rencontre. FACE a la particularité d’intégrer les jeunes à partir du pré-maternelle jusqu’au cinquième secondaire. Il n’est pas rare qu’un jeune ait passé plus de huit ans et même plus à FACE. Ce n’est pas banal. C’est ce qui explique le grand attachement émotif qu’ont les élèves et dont j’ai été témoin. Le sens de l’entraide et du respect de l’autre se dégageait aussi de cet entretien. Il fallait donc composer une musique qui reflète ces valeurs et ces aspirations. Je tenais aussi à créer une musique qui puisse transcender le quotidien afin d’illustrer les sentiments profonds de questionnement intérieur qui sont liés tout particulièrement à leurs années d’adolescences. Cette période cruciale de notre vie où l’on se remet en question et dans laquelle nos valeurs et notre personnalité prennent forme. Je voulais aller plus loin que de simplement célébrer le 35e anniversaire de FACE. Je souhaitais créer un portrait parfois drôle, parfois intimiste, une fixation musicale de l’esprit qui entoure l’école et sa population étudiante. J’espère que mes objectifs ont été atteints.

Le cirque court-circuité

Chœur et harmonie sous la direction de Carol Kay

Un cirque qui présente ses clowns, ses funambules, ses éléphants et… ses humains! Car les éléphants ont décidé de prendre les commandes du spectacle. On n’a pas souvent l’occasion de composer pour chœur et harmonie de concert. Le côté festif et ludique ne pouvait pas trouver de meilleurs interprètes pour donner vie au monde merveilleux du cirque. Après la fanfare d’ouverture, M. Loyal présente les numéros qui mettent en scène les drôleries des clowns qui provoquent les rires. Le cœur des spectateurs est mis à rude épreuve lorsque les funambules exécutent leurs acrobaties pleines d’émotions et de grâces. Puis, les éléphants, dans un contraste saisissant, font leur entrée. Le public en délire ne se doute pas qu’ils seront bientôt témoins d’une petite révolution animalière. Les éléphants seront dorénavant les maîtres des lieux. Comme aucun texte n’était encore disponible pour le projet de composition et que je me devais de me mettre à l’ouvrage rapidement, j’ai ressorti ce petit bijou de texte qui s’adresse aux tout petits. Il ne faut pas oublier qu’ils forment tout de même une bonne partie des élèves de FACE. Cette pièce-là est pour eux. Le cirque court-circuité fait suite à un autre texte de Pierre-Jean Cano pour lequel j’ai fait la musique : Coquerelles à l’hôpital pour chœur a capella. Ce sont des textes inspirés du travail fait avec les enfants du niveau primaire il y a plus de 25 ans pour l’émission de la radio communautaire CIBL Imagine-toi donc.

To Dream

Orchestre à cordes sous la direction de Theodora Stathopoulos

Au départ, cette pièce était destinée à être chantée. On a demandé à des jeunes du primaire d’écrire quelques textes en attendant que les plus grands soient mis à contribution à leur tour. Le texte que j’avais choisi ne comportait que deux lignes, mais elles étaient belles et imagées. L’inspiration s’en suit et je travaille sur la pièce sans me poser trop de questions sur l’originalité du texte. Certains des textes soumis par les tout jeunes élèves étaient souvent des chansons connues qui mettaient en valeur le mot « face » en référence à l’école bien entendu. Un doute persistait dans ma tête. N’y tenant plus, j’effectue une recherche sur Internet et je me rends compte que le texte en question était effectivement l’œuvre d’un chanteur populaire! Il était donc impossible pour moi d’utiliser du matériel préexistant. J’ai donc modifié la pièce pour qu’il soit interprété par les cordes. Il faut noter que le motif principal a été inspiré d’un motif de quatre notes tiré de la masse de motifs mélodiques que les élèves du quatrième et cinquième secondaire m’ont donnée. Une ou deux idées rythmiques ont aussi été intégrées à la réalisation de cette composition. To Dream est une balade qui met en valeur la masse des cordes. Parfois, un violon solo s’en détache pour prendre son envol et agir comme un observateur qui au loin commente à son tour. L’esprit qui s’en dégage en est un de contemplation. Le calme et la sérénité sont aussi au rendez-vous. Un peu à l’image de mon adolescence au cours de laquelle j’aimais bien rêvasser…

Couleurs

Orchestre à cordes sous la direction de Theodora Stathopoulos

C’est probablement la pièce qui est la plus proche de mon langage musical personnel. Bien que vous ne l’entendiez pas, elle prend ses racines du mot FACE. Si l’on prend les lettres F, A, C, E et qu’on leur donne leur nom de notes de musique nous obtenons : fa, la, do et mi. Mon motif principal fait la mélodie suivante : A-F-A-F-C#-E ou si vous préférez la-fa-la-fa-do#-mi. Un langage franchement moderne qui conserve cependant beaucoup de mes caractéristiques lyriques. C’est un voyage intérieur qui prend son départ dans une cour d’école avec une petite référence à une mélodie enfantine que je chantais quand j’étais tout petit :

Rond, rond, macaron,
ma p’tite sœur, ma p’tite sœur.
Rond, rond, macaron,
ma p’tite sœur est dans maison.

Puis, la pièce prend une tournure plus emportée. À la toute fin, après s’être brisée à force d’émotions fortes et troublantes, la musique s’allonge sur une plage infinie bordant une mer sans faille sous une bordée d’étoiles rutilantes, pour enfin se reposer et juger du chemin parcouru. Couleurs est à l’image des questionnements qui font partie du quotidien lorsque l’on a 16 ans. Le blanc se mêle au noir et les demies teintes nous plongent au cœur de nos remises en question. Et pourtant, le calme et la paix intérieure sont à portée de nos âmes, à un doigt de nos espérances.

Stairs

Chœur et piano sous la diection de Philippe Bourque

Un magnifique texte de Kaia Dumoulin qui met en scène l’élément visuel le plus significatif et le plus distinctif lorsque l’on visite FACE pour la première fois : ses escaliers. Kaia ne se contente pas d’en parler au premier degré. Elle s’en inspire pour exprimer le sentiment qu’elle doit réussir à se détacher d’un lieu qu’elle fréquente et qu’elle aime, mais qui lui pèse au fur et à mesure que le temps passe, son école. Elle est déterminée coûte que coûte à gagner sa liberté et à assumer pleinement sa propre vie. Elle est prête à prendre son envol et elle sait que le temps viendra bientôt. J’ai voulu transposer sa pensée avec une musique aérienne, légère. L’accompagnement au piano met en place cette atmosphère planante. Alors qu’elle tente de monter les escaliers, la musique calque son mouvement. Chaque tentative ratée est accompagnée d’une musique qui dépeint un ressort usé ayant perdu de son tonus. Et malgré ses déceptions, elle n’abandonne pas l’idée de s’affranchir. De là vient l’idée de recréer, à la fin de la chanson, une volée d’oiseaux qui s’éloigne au loin. Pas n’importe quel oiseau, des pigeons. Car ce sont ces oiseaux que l’on croise le plus dans le milieu urbain. La terre d’accueil de FACE. On ne sera pas témoin de sa délivrance, mais on est convaincu qu’elle saura atteindre son but à la fin.

Graduation

Harmonie sous la direction de Carol Kay

Je voulais créer une pièce qui marque un certain décorum pour ce 35e anniversaire. Le caractère cérémonial étant de rigueur, quoi de mieux que l’harmonie de concert pour exprimer à la fois la grandeur et le dynamisme de cet événement. Cette fois-ci, plus question de n’être que l’accompagnateur de la chorale, il faut montrer ce que l’harmonie a dans le ventre. Chacune des sections instrumentales de l’ensemble est mise à contribution. C’est la pièce qui m’a donné le plus de fil à retordre. Après une première exposition du thème, une section pleine de suspense suit avec un ostinato de la caisse claire. Un petit canon rappelle le thème du début et nous amène à une deuxième exposition du thème, mais de façon moins lourde de par son instrumentation, les bois prenant le haut du pavé. Le retour des cuivres donne une impression de force qui aboutit à une finale grandiose. Remarquer la couleur sans tierce majeure dans l’accord final. Cela lui confère une sonorité large qui pour moi symbolise la tolérance et l’ouverture d’esprit tel que je le sens véhiculer ici à FACE.

Après tant d’années

Chœur et piano sous la direction d’Emmanuelle Racine-Gariépy

Lorsque j’ai rencontré une douzaine d’élèves pour leur demander ce qu’ils attendaient de moi en tant que compositeur, ils m’ont dit qu’ils voulaient une sorte d’hymne officiel de l’école. Comme on dit en anglais « talk about pressure ». À l’époque j’avais déjà reçu et choisi les textes avec lesquels j’allais faire les chants pour la chorale accompagnée du piano. Le choix d’Après tant d’années confirmait leurs attentes. Le texte est une œuvre collective de la classe 11F1. Elle possède tous les attributs d’une chanson de « gang » : solidarité, esprit de groupe – de famille, même –, démontrant un amour sans retenu des années passées à FACE ainsi que de la reconnaissance pour tous ceux qui les ont appuyés. Mon point de départ a été le style gospel. Je voyais un parallèle intéressant entre l’origine du gospel et la demande d’un hymne pour l’école. Dans les deux cas, la musique unit une communauté et en fait son chant de ralliement. C’est une chanson qui vient des tripes et qui prend sa source des élèves eux-mêmes.

Les textes

 

Le cirque court-circuité

Paroles de Pierre-Jean Cano
Musique de Louis Babin

Bon-jour bon-jour chers a-mis,
Pre-nez place, pre-pre-nez place.
Vo-yez le cirque «Fa-vo-ri, Re-bon-di & Sa-pris-ti»,
Qui vous pré-sente des nu-mé-ros d’a-ni-maux.

FOULE : OOOOOOO Comme c’est fin.

Et v’la les sa-crés clowns,
Sa-cré Bing, sa-cré Boum,
Sa-cré sa-cré Bom,
Ba-by Boum, ba-by Gang.

Et v’la les sa-crés boui’lles,
Sa-cré Bing, sa-cré Bang,
Ba-by ba-by Gong,
Sa-cré Bye, bye bye clowns.

FOULE : Appppppppppplaudissssssssement

Et puis maint’nant chers a-mis,
Re-garrr-re-gar-der bien en face,
Des fu-nam-bu-les dé-am-bu-lent,
Ba-lan-cés comme des pen-du-les.

Et v’la la fou-le fou-le,
Se cris-pant, se cris-pant,
Ten-due dans le ven-tre,
En de-dans, en de-dans.

Ô bou-chons-nous les yeux,
Au-da-cieux, ils sont au-da-cieux
Sa-crés dé-am-bu-les,
Som-nan-bu-les, fu-nam-bu-les.

FOULE : Appppppppppplaudissssssssement

Et puis main-te-nant chers a-mis,
Gar-dez pla-ce, re-pre-nez pla-ce.
Voi-ci mes-sieurs les é-lé-phants,
En rang, en dan-sant, pe-sants.

Et v’la les é-lé-phants,
Dans le vent, dans le vent,
En mou-vement, en dan-sant,
Mets-en, mets-en…

Mais v’la des cris d’en-fants,
Ef-fra-yants, é-lé-phants,
Pa-ta-clan, al-lons-nous-en.
Les dents des é-lé-phants
Ont man-gé
De la vache
En-ra-gée…

(en éléphant)
Bon-jour bon-jour chers a-mis,
Pre-nez pla-ce, pre-pre-nez pla-ce.
Voy-ez le cir-que «Fa-vo-ri, Re-bon-di & Sa-pris-ti»,
Qui vous pré-sen-te des nu-mé-ros d’êtres hu-mains.
FOULE : OOOOOOO Comme c’est beau.

 

Stairs

Paroles de Kaia Dumoulin
Musique de Louis Babin

I once had a dream that I was running down a hall
Down a hall on the fourth floor
As I ran, I tried to open my wings to fly
Only a subtle wind lifted me slightly off the ground
Try as I might
I could not fly
I woke up in the morning and waked up to that floor

The next night, I had a dream I was flying.
I was flying down the stairs
Those fourth floor red stairs
That maze of spiralling, dirty, juice stained graffiti
Stairs
I woke up the next morning and walked up those stairs

Now, unlike those stairs my time here is drawing to a close
And those stairs, walked on every day will be but a
Memory
Those dirty, homely, crowded, pushy
Stairs
Now, I wake up in the morning and climb those stairs

In my dream I never fly out of those stairs
They never end
Those impossible twists and turns, ups and downs
One day soon,
I’ll wake up one morning and fly out of those stairs

 

Après tant d’années

Paroles de la classe 11F1
Musique de Louis Babin

Refrain

Après tant d’années
Une famille s’est formée
À travers l’art nous nous exprimons,
Sans amour nous ne survivons.

Au coeur de l’éducation
Yeux dans nos partitions
Nous chantons à l’unisson
En harmonie ou en canon

Couplets

À travers notre musique
Nous nous sommes unis
Cette école fantastique
Nous a tous réunis.

En dessinant sur nos pages
Nous avons tant créé
De si belles images
Qui illustrent notre créativité

En jouant nos personnages
Nous nous sommes déguisés
En montrant nos visages
Un public nous a apprécié

Depuis notre tendre enfance,
Nous vivons sans violence
Grâce à votre soutien
Nous pouvons nous sentir bien