Après les présentations d’usage, on entre dans le vif du sujet. À l’invitation du psy, le Trompettiste est intarissable. Le récit que le musicien fait de sa situation met en lumière les différentes personnalités qui l’habitent. Tantôt suave, tantôt martial toujours à vif au niveau des émotions, notre trompettiste déballe son trop-plein d’émotivité et sa vision artistique à laquelle s’entremêle les sentiments variés qui luttent pour se faire entendre au-dessus du chaos identitaire. Après quelques secondes de réflexion, le psychiatre suggère au trompettiste en détresse de fouiller plus profondément dans ses souvenirs. La source de ses tiraillements s’y trouve peut-être. Pour l’y aider, le thérapeute lui propose une séance d’hypnose. Pourquoi pas! Réponds le Trompettiste. Ainsi commence un voyage étrange dans le monde mystérieux de la trompette et de ses semblables.
Au son de la voix de l’hypnothérapeute, grave et monocorde, le corps du trompettiste se détend. Il n’a pas conscience qu’il quitte le monde réel, mais tout son être devient liquide de détente. Le temps est uniforme. Sa vision est embrumée. Il entend le chant des sirènes. Soudain, le ciel s’ouvre devant lui. Comme si l’Univers s’offrait à lui sans restriction, sans tabou.
Un club. Du jazz? Peut-être. Un rythme obsédant. C’est sûr.
Les idées se bousculent. Comme oppresser de toutes parts le Trompettiste cherche sa voix. Un dialogue s’installe. L’écho semble lui répondre. Et toujours ce rythme qui comme un serpent lui glisse entre les doigts. Il comprend son rôle. Il s’échappe enfin. On le rattrape peu à peu. On l’entoure. On l’encercle. Il essaie de crier, mais sa voix est graduellement noyée dans un tumulte de plus en plus épais.
Il hurle. Il se débat. Il…
Au moment où il sent qu’il allait perdre pied, il redescend de plus belle dans la transe hypnotique.
La réalité n’a plus de prise.
Cette nouvelle transition le transporte dans un monde froid et douloureux. Un mélange de douceur et de tristesse. Vers quelle destination se dirige-t-il? Ah! Il le pressent. Le souvenir doux amer d’un sentiment à la fois enivrant et cruel. Ah! Il le redoute et le désire. Cette sensation, il la reconnaît. C’est celle de l’amour retrouvé…
Le trompettiste se revoit en des jours lumineux. Il lui parle. Elle lui répond. Un dialogue qui n’a pas vieilli et qui n’a pas sauté une maille. C’était du temps des projets, du temps des plans d’avenir… Tout n’est que souvenir.
Le cœur encore tout gonflé de cet amour qui suinte de tous les pores de son corps, voilà que le Trompettiste glisse tout doucement, encore plus profondément, encore plus abyssalement en direction de son âme, de son essence même.
Dans ce nouveau lieu, tout s’illumine. Il se retrouve dans un univers familier. Il touche aux origines de son lignage. Une musique aux couleurs cosmiques. À la fois éthérée dans sa fabrique et dense dans sa fibre. Une énergie renouvelée s’en dégage. Le Trompettiste sent qu’il touche enfin au but. Qu’il redécouvre ses vertus essentielles. Cela le conforte dans ses choix. Il sait qu’il peut maintenant enfin sortir de sa torpeur.
Il comprend qu’il est dans sa nature de faire vivre côte à côte tous ces mondes. Il accepte la multiplicité de ses instruments, des ses caractères et de leurs diversités. Que chacune de ses trompettes est une partie réelle de lui-même et qu’elles définissent qui il est. Le Trompettiste est libéré de ses chaînes. Il est heureux. Et lorsqu’un trompettiste est heureux, le monde en général s’en porte mieux!