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Composer, compositeur

Normand Guilbeault, invité spécial…

J’ai eu le privilège d’être témoin d’une belle rencontre musicale à Québec au minuscule bar Sainte-Angèle.

Michel Côté, un vétéran saxophoniste, une légende de la région de Québec, ayant eu connaissance de la présence de Normand Guilbeault dans sa ville lui a lancé l’invitation à se joindre à lui ainsi qu’au formidable batteur Claude Lavergne pour animer une soirée de jazz.

Des musiciens de haute tenue dans un espace exigu et un Guilbeault à son apogée technique et musical. Et quelle sonorité à la basse. Toujours en mouvement, toujours en modulation rythmique comme une mer qui attaque les récifs en ne répétant jamais la même approche. Un son enveloppant, comme s’il nous prenait dans ses immenses bras pour nous faire voyager, nous faire rêver.

Un trio infernal!
Un trio infernal!

 

Les œuvres nouvelles et les jeunes

(Cet article a été publié dans la revue Musicien éducateur au Canada, Volume 54 – Numéro 3 – Printemps 2013)

L’été dernier, j’ai eu la chance de vivre une expérience qui alliait rencontre et création. J’ai eu la chance, et le défi, de diriger de jeunes musiciens de 15 à 25 ans provenant de plusieurs pays d’Europe et des Amériques lors de la création d’une de mes œuvres. Provenant de cultures variées séparées par la barrière des langues, ils partageaient toutefois un amour véritable pour la musique et la pratique de leur instrument.

Cela se passait au Festival Eurochestries qui se tenait en Charente-Maritime en France[1]. Cette rencontre exceptionnelle mettait en présence des orchestres et ensembles de Russie, d’Espagne, de Turquie, du Brésil, du Canada (Québec) et de France[2].

Échange culturel et obligation de performance

Je connais bien la pratique dans certaines écoles, chœurs ou orchestres amateurs, alors que l’un reçoit l’autre dans son pays ou sa ville. Les participants d’un groupe mettent la main à la pâte afin d’accueillir ceux qui les ont accueillis lors de la première partie de ces échanges culturels. J’ai aussi participé à des camps musicaux qui me permettaient de jouer avec d’autres musiciens des différentes régions du pays. Ces rencontres sont enrichissantes et excitantes pour les musiciens en herbe, et pour ceux qui ont déjà une certaine expérience du métier de musicien. Elles deviennent vite une source de souvenirs, d’expériences inoubliables et de fierté.

Mais les Eurochestries sont en fait le mélange d’un échange culturel tout en faisant partie d’un véritable festival, avec les obligations de performance qui s’y rattachent. Celui auquel j’ai participé cet été était particulièrement intense. Plus de 40 concerts y ont été présentés par les différents ensembles dans un territoire assez vaste, soit en Charente-Maritime dans le sud-ouest de la France, le pays du cognac et du pineau. De fait, les participants sont hébergés et nourris aux frais du festival. Seuls les frais de transport pour se rendre au festival sont la responsabilité des ensembles participants.

Créer une œuvre avec un orchestre de jeunes

Autre particularité, ma présence en tant que compositeur en résidence. Le festival avait comme thème « Saint-Exupéry : Hommage autour de son œuvre. En lien avec ce thème, le président du festival, M. Claude Révolte, m’a commandé une œuvre symphonique qui en ferait l’illustration musicale. La création de l’œuvre «Saint-Exupéry : de cœur, de sable et d’étoiles» est diffusée sur Internet[3].

Ma réflexion ici porte surtout sur le travail et la perception des jeunes musiciens qui unissent leurs talents et leurs efforts pour interpréter une création musicale pour laquelle ils n’ont aucune référence. Les jeunes interprètes ne sont pas différents du grand public. Ils ont une certaine appréhension de ce qui est inconnu. Et contrairement aux Massenet, Moussorsky, Strauss et autres compositeurs bien ancrés dans la mémoire collective, il est toujours plus délicat de proposer une œuvre nouvelle. Les langages harmonique, mélodique et, dans une moindre mesure, rythmique peuvent être rébarbatifs pour plusieurs. Mon expérience de création avec quelques écoles[4] m’a bien servie et j’en ai tiré quelques observations.

La sincérité de l’œuvre proposée

La sincérité me semble être la première qualité recherchée dans les rapports entre humains, mais aussi dans les compositions proposées. Qu’importe le type d’esthétisme proposé, cette sincérité doit être transmise de l’œuvre aux interprètes.

L’engagement

On doit aussi faire réaliser aux jeunes l’importance du geste de création auquel ils participent. En tant qu’interprète, ils sont un rouage essentiel non seulement à la transmission de la nouvelle pièce, mais ils ont aussi un impact sur certains éléments de la création. Ceux qui proposent les œuvres nouvelles – compositeur, professeurs, chefs – doivent aussi faire partager cet engagement, cet amour envers des expériences nouvelles. Repousser les limites du répertoire traditionnel avec le plaisir de la découverte.

La première lecture

Tout créateur doit agir prudemment devant la réaction des jeunes lors de la première lecture d’une nouvelle œuvre. On le sait, les jeunes ont peu de filtres. Ils font des commentaires directs pouvant parfois être blessants. C’est souvent une réaction légitime alors qu’ils vivent une situation musicale inhabituelle qui les sort de leur zone de confort. Il ne faut pas s’en formaliser. J’ai vu l’opinion de certains jeunes musiciens se transformer en un enthousiasme et un attachement profonds pour une musique qui, au départ, avait suscité des réactions négatives.

L’explication d’une œuvre

Le temps de répétition est précieux. C’est tout aussi vrai pour les professionnels que pour les titulaires en classe. Peu de temps est disponible pour expliquer les motivations de la pièce lorsqu’elles sont élaborées. La mécanique compositionnelle et l’observation des structures mélodiques, harmoniques et rythmiques sont mises de côté par manque de temps. Pourtant, les jeunes interprètes gagneraient à connaître ces informations, qui les aideraient à mieux saisir la réalité musicale et à se sentir plus engagés. Cela peut se faire sous la forme d’un petit document explicatif que les jeunes peuvent consulter.

La force de la musique d’aujourd’hui

Il ne faut pas sous-estimer la portée d’une musique actuelle dans le paysage musical. Il y a un attachement viscéral qui lie notre psyché musicale à notre environnement quotidien. Combien de fois ai-je vu des spectateurs fascinés par un effet sonore incorporé dans une pièce. Certes, on veut une musique qui puisse être compréhensible rapidement, mais elle a avantage à incorporer des techniques modernes. Les musiques à l’image sont souvent plus avant-gardistes que les pièces que les jeunes musiciens abordent en concert. C’est que souvent la musique contemporaine est un support naturel à l’image. Comme si les images proposées par le film soulageaient le spectateur du fardeau de créer ses propres images à l’écoute d’une musique non conventionnelle.

Une éducation qui prône le respect des autres cultures et des humains qui les composent va de pair avec une ouverture d’esprit. Il me semble important que les jeunes puissent affronter la peur de l’inconnu en ayant les outils qui permettent de décoder ce qui semble indéchiffrable au premier abord. Je crois que la musique d’aujourd’hui offre une occasion de mettre en pratique des mécanismes permettant aux jeunes de façonner leur compréhension du monde en les plongeant dans des univers musicaux éclatés.

Ce qui me ramène à l’expérience vécue l’été dernier. Non seulement il y avait la création d’une œuvre musicale, mais le contexte linguistique particulier ajoutait aussi au défi. Et tout comme ma pièce a peu à peu conquis les cœurs, des amitiés se sont soudées tout au long du festival. Des amitiés qui vont au-delà des langues, des cultures et de la musique!



[2] Orchestre national symphonique des jeunes de Turquie, sous la direction de M. Orhun Orhon

Le jeune orchestres symphonique de Soria (Espagne), sous la direction de Borja Quintas

Orchestre à cordes des jeunes de Moscou (Russie), sous la direction de M. Vasili Valitov

Orchestre à cordes des jeunes de Laval (Québec), sous la direction de Mme Manon Reddy

Chœur de garçon «Ladya» de Togliatti (Russie), sous la direction de Mme Galina Devyatkina

Ensemble de violons «VIVAlini» de Krasnoïarsk (Russie), sous la direction de Mme Elena Voytina

Quatuor de clarinettes «Ômega» de Rio de Janiero (Brésil)

Les jeunes solistes de France

Michaël Benyumov, chef invité de Krasnoïarsk (Russie)

[4] Compositeur en résidence, École FACE, Montréal, 2010

Ateliers de création, compositeur, Commission scolaire de la Pointe-de-L’Île, Montréal, 2010

Ateliers de création musicale, St. Dorothy Elementary School, Montréal, 2011

New Works and Young Musicians

(This article was published by the Canadian Music Educator, Volume 54 – Number 3 – Spring 2013)

Last summer I had the opportunity to live an experience that brought together the joy of meeting new people with the thrill of creation. I had the luck – and the challenge – to direct a group of young musicians in the preparation and presentation of one of my musical compositions.  These youth are aged 15 to 25 and hail from several European countries, as well as from both North and South America. Although they were from a variety of cultures and separated by language barriers, they shared a genuine love of music and their chosen instruments. It all took place at the Eurochestries Festival held in Charente-Maritime in France[1]. This extraordinary event brought together orchestras and ensembles from Russia, Spain, Turkey, Brazil, Canada (Quebec) and France[2].

Cultural exchange and the pressure to perform

I am well acquainted with the practise in schools, choirs and amateur orchestras of welcoming visiting musical counterparts from other countries or cities. Everyone involved makes a big effort to make the most of these cultural exchanges. I have also participated at music camps, an experience that allowed me to play with musicians from different regions of our country. Such exchanges are exciting and enriching, both for budding musicians and the professionals who work with them. They become a source of invaluable experience, unforgettable memories and personal pride.

The Eurochestries concept invites a mix of cultural exchange that creates a true music festival – complete with the pressure to perform that is integral in to such an event. The festival I was part of last summer was particularly intense. More than 40 concerts were presented by various ensembles at venues across the large region of Charente-Maritime in south-west France (home of cognac and Pineau). Participants are provided with room and board, and transportation to venues at the Festival’s expense; travel costs to and from the event are the musicians’ only non-musical responsibility.

Creating a work with a youth orchestra

There was also my role as composer in residence. The theme of this year’s festival was “Saint-Exupéry: Hommage autour de son œuvre”.  In keeping with this theme, festival president Mr. Claude Révolte instructed me to arrive with a symphonic work that would be a musical illustration of the writer’s ideas and images. The piece I created in response to this challenge is called  “Saint-Exupéry : de cœur, de sable et d’étoiles”. It is available on the Internet[3].

But my reflections here are mainly about the work and musical perception of young musicians merging their talents and efforts in the performance of a musical creation they have never come across before. Young performers are no different than members of the general public: they are naturally apprehensive of the unknown. And contrary to what one encounters with the preparation of Massenet, Mussorgsky, Strauss and other composers deeply rooted in the collective memory, it is always more difficult to propose a new work. The harmonic, melodic, and even the rhythmic vocabularies can be daunting for many young performers.  My creative experiences working with young musicians in schools[4] served me well at the Eurochestries Festival. Following are a few observations:

Honesty in the work

It seems to me that honesty is the essential quality we are looking for in human interactions. This also applies to proposed compositions.  Regardless of the aesthetic, honesty has to be transmitted from the work to the ones performing it.

Commitment

We must also help young artists understand the importance of the creative act in which they are taking part. As performers, they are an essential part of it, and not only to the communication of the new piece; they also have an impact on certain elements of the creative process.  Those proposing new works – composers, teachers, conductors – must impart a sense of commitment and a love of new experiences. The goal is to redefine the boundaries of traditional repertory through the pleasure of discovery.

First performance

A creator should be restrained when confronting the reaction of young musicians during the first performance of a new work. We all know how sometimes young people do not mince words – they are capable of pointed comments that can be hurtful. Often this is a justified reaction while in the process of experiencing a musical situation they are unused to, a situation that will push them beyond their comfort zone. Don’t be offended; take it in stride. I’ve seen the opinions of many young musicians be transformed into a deep and enthusiastic attachment to a music which initially drew negative reactions.

Explaining a work

Rehearsal time is precious. This is true for professionals and tenured professors alike.  Little time is available to explain motivations shaping the piece when they were being worked out. The mechanics of composition and observations concerning melodic structures, harmonics and rhythms are put aside due to lack of time. But young performers would benefit from an introduction to this information. It might help them gain a better understanding of the musical reality and thus feel more engaged. This can be accomplished in the form of a brief explanatory document which young musicians can refer to.

The power of today’s music

We must never under-estimate the reach of contemporary music across the broad musical landscape. There is a visceral attachment linking our musical psyche to our daily environment. How many times have I witnessed audience members fascinated by a sound effect incorporated into a piece! Of course we want a music that can be rapidly grasped; but there is something to be gained from incorporating modern techniques. Music composed to images is often more avant-garde than pieces young musicians attempt in concert. This is because contemporary music is often a natural support for the image, as we know from the way images in a film transport a viewer as he absorbs a non-conventional music.

An education advocating respect for other cultures and the peoples comprising them points toward the opening of the spirit. It is important that young musicians be able to confront their fear of the unknown by acquiring tools that allow them to decode what may at first seem indecipherable. I believe that today’s music offers an opportunity to put into practice mechanisms enabling youth to shape their understanding of the world by immersing them in fragmented musical universes.

Which brings me back to the experience I had last summer. Not only was there the creation of a musical work, but the particular linguistic context of the Eurochestries setting added another level of challenge.  And just as my composition slowly but surely won over their hearts, so were deep friendships forged as the festival progressed – friendships that go beyond language, cultures and yes, even music!



[2] National Youth Symphony Orchestra of Turkey, under the direction of M. Orhun Orhon

Soria Youth Symphony Orchestra (Spain), under the direction of Borja Quintas

Moscow Youth String Orchestra (Russia), under the direction of M. Vasili Valitov

Laval Youth String Orchestra (Québec), under the direction of Mme Manon Reddy

Ladya Boys Choir, Togliatti (Russia), under the direction of Mme Galina Devyatkina

VIVAlini Violin Ensemble, Krasnoïarsk (Russia), under the direction of Mme Elena Voytina

Ômega Clarinet Quartet, Rio de Janeiro (Brazil)

Young Soloists of France

Michaël Benyumov, guest conductor, Krasnoïarsk (Russia)

[4] Composer in Residence,  FACE School, Montréal, 2010

Creativity & composition workshops, Pointe-de-L’Île School board, Montréal, 2010

Musical creation workshops, St. Dorothy Elementary School, Montréal, 2011

Dantonio Pisano records «Allez, viens!»

My piano piece, Allez, viens!, has been videotaped and will be on the website of the Centre de musique canadienne au Québec (CMC Québec).

The music is part of an edition of two piano pieces. The other one is Presso by my colleague Denis Dion. His music took the first prize of the the first edition of the Composition and Interpretation Contest of CMC Québec in association with Québecor.

The recording session was held at the Chapelle du Bon-Pasteur in Montreal on February 13th 2013.

Dantonio Pisano played on the famous Fazzioli. Carol Bergeron was the sound engineer and the cameraman altogether. Sonia Pâquet, general manager of CMC Québec, was also present.

The recordings are intended for the young players participating to the interpretation part of the contest. They will have to play Presso in front of a jury in a couple of months.

A big thank you to CMC Québec and Québecor (this link in French).

Louis Babin, composer and Dantonio Pisano, pianist
Louis Babin, composer and Dantonio Pisano, pianist

Dantonio Pisano enregistre «Allez, viens!»

Ma pièce pour piano, Allez, viens!, fait l’objet d’un enregistrement vidéo destiné au site du Centre de musique canadienne au Québec (CMC Québec).

La partition fait partie d’un recueil de deux pièces, l’autre étant Presso de mon collègue Denis Dion. Sa pièce a remporté le premier concours de composition et d’interprétation du CMC Québec en association avec Québecor.

L’enregistrement de ma pièce et de celle de Denis s’est fait à la Chapelle du Bon-Pasteur à Montréal le 13 février 2013.

Dantonio Pisano jouait sur le fameux Fazzioli de la chapelle. Carol Bergeron faisait à la fois la prise de son et de tournage vidéo. Sonia Pâquet, Directrice générale du CMC Québec, était présente aussi.

Le court vidéo est destiné aux jeunes interprètes qui participeront au volet interprétation du concours. Leurs prestation se fera devant jury d’ici quelques mois.

Un gros merci au CMC et à Québecor.

Louis Babin et Dantonio Pisano
Louis Babin et Dantonio Pisano