Éducation

Education, enseignement, formation par Louis Babin

Le compositeur et son interprète

J’ai rencontré hier pour la première fois un jeune pianiste prometteur, Philippe Prud’homme, qui va créer ma pièce pour piano Duel. On s’était contactés il y plusieurs mois déjà par l’intermédiaire de Michel Longtin, mon mentor et ami. Il me parlait d’un jeune plein de talent qui cognait aux portes de tous les compositeurs de l’université afin de leur demander s’ils avaient des pièces pour piano. Je lui ai envoyé un courriel lui proposant ma pièce Duel.

Philippe avait des questions sur l’interprétation en vue d’un concert qui aura lieu le 12 décembre, au cours duquel ma pièce sera créée.

C’est à ces occasions que l’on se rend compte, comme compositeur, de la limite de communication de la partition écrite. Pour des choses qui nous semblent évidentes tant on s’est rejoué la pièce avec le séquenceur, l’interprète, de son côté, doit se réapproprier un nouvel univers. On réalise l’importance de la transmission de l’information et d’une certaine tradition. Est-ce que le compositeur lui-même serait prisonnier de sa vision? Comme si les indications sur la partition n’étaient pas assez précises, il me semble que trop d’information c’est comme pas assez! Je suis zen pour ce qui est de la notation musicale. J’essaie de mettre ce qui est nécessaire sans élaborer à outrance. Dans le fond, tout est devant soi sans artifice : la musique et sa structure.

La vision d’un interprète est teintée du répertoire auquel il est exposé, des influences auxquelles il a été soumis et de l’éducation qu’il a reçue. Ses intérêts doublés de son humanité sont aussi des apports non négligeables.

Composer c’est communiquer. Communication dit dialogue et dialogue dit échange. Un échange qui commence avec le compositeur et son idée, puis par le passage du témoin vers l’interprète. Puis la roue de transmission trouve sa finalité vers l’auditeur qui, à son tour, la sublimera dans sa tête et dans son cœur. Il la partagera peut-être avec ses proches. Il arrive que ce partage prenne une forme autre que le strict compte rendu d’un concert. C’est une attitude, une manière d’être, un subtil mélange entre le non-dit et le senti. Je crois fermement qu’une œuvre, une chanson, une peinture, une sculpture, un sourire, une main tendue ou toute autre signe du cœur et de l’émotion partagé nous marquent à jamais. Même si on ne mentionne à personne de ce qui nous allume ou ce qui nous a touché. La musique est là. Elle nous habite. Elle nous façonne à jamais. Elle nous rend meilleur parce qu’elle nous plonge loin en nous-mêmes pour nous transformer, nous nourrir et nous élever.

Et vous? Quel est votre rapport avec un interprète qui joue une de vos œuvres?

Journal du projet FACE (1)

Je vais tenir un journal de bord pour le projet de composition à l’école FACE. Il ne reste que 90 jours avant la remise des partitions puisque tout doit être remis pour le 22 février 2010.

J’ai déjà eu deux rencontres avec les élèves qui sont regroupés en deux groupes: quatrième et cinquième secondaire. Chacun des groupes est constitué d’environ 120 élèves. À la première rencontre, j’ai expérimenté quelques notions générales de la composition avec eux : le rythme, la mélodie et les effets vocaux. Les effets vocaux ont eu le plus d’impact. Aussi, lors de la deuxième rencontre, je me suis attardé un peu plus longuement sur cet aspect du jeu musical. Les élèves ont aussi créé des motifs associés aux trois familles déjà mentionnées.

Comme je dois aussi composer pour chœur, il me semblait impérieux d’avoir les textes en main. J’avais en ma possession une trilogie enfantine écrite par Pierre-Jean Cano il y a près de 30 ans : Coquerelles à l’hôpital, Le cirque court-circuité et La toison dort. J’ai composé la musique pour Coquerelles à l’hôpital, mais je n’avais pas eu l’occasion de compléter le cycle. Je profite donc de l’opportunité pour enfin y mettre un point final.

Déjà, le canevas pour Le cirque court-circuité est terminé. C’est l’histoire d’un cirque qui voit les éléphants prendre le contrôle du spectacle. C’est traité avec humour et j’espère que les élèves auront autant de plaisir que moi à la chanter que j’en ai à la composer. Il ne reste plus que l’orchestration qui est prévue pour chœur et harmonie de concert.

La toison dort est une chanson de forme plus classique. Il possède deux refrains qui se relayent entrecoupés de trois couplets. La couleur sera moderne, mais plus proche de Gilles Vigneault que de John Rutter.

Avec les cours que je donne et le travail, c’est tout un défi qui est devant moi. Mais, tout se fait dans la bonne humeur et le plaisir.

L’isolement du musicien

Une des premières conséquences que l’on constate en devenant un compositeur à temps plein est la perte de contact avec les collègues-musiciens. On le vit comme un deuil comme lorsque l’on perd contact avec un ami qui change de ville, de blonde ou même de pays. Pourtant, ils sont là à portée du téléphone ou du courriel.

Tous les interprètes, les musiciens en particulier, ont une double vie. D’une part, ils ont une vie publique liée au spectacle, d’autre part ils travaillent dans l’ombre avec la pratique quotidienne de leur instrument. Un travail d’introspection qui nous amène à un plus grand contrôle de notre expression musicale. Le compositeur, de son côté, a peu de contacts directs avec les musiciens sur une base régulière. C’est pourquoi je me suis surpris à aller voir des spectacles et des concerts comme je ne l’avais jamais fait auparavant !

Ç’a été comme prendre de l’oxygène. On apprécie le travail des amis et l’on se situe plus facilement à l’intérieur de ce que l’on croit être en tant que créateur. C’est une chose de vivre dans ses idées, mais il est bon, de temps en temps, de sortir et de découvrir ce que d’autres mettent en scène. Comme trompettiste, j’assistais rarement à des concerts. C’est paradoxal, mais je sais que mes confrères le comprennent très bien. Si je me pointais à un spectacle, c’est que j’étais sur scène et non dans la salle. De toute façon, j’avais une bonne raison d’en être absent, j’étais soit en train de pratiquer, d’être en répétition ou d’être moi-même en représentation. J’ai vite réalisé que j’aurais eu une carrière toute différente si j’avais été conscient de l’isolement dans lequel je m’étais enfermé.

En voyant ces concerts, en écoutant tous ces enregistrements, en m’ouvrant aux autres, je me suis aperçu que j’aurais pu travailler avec beaucoup de monde si je m’étais donné la peine de leur communiquer mon désir de créer avec eux. Des portes sont restées closes devant moi simplement parce que je n’ai pas cogné à la porte. Il s’agissait pour moi de trouver, mieux encore, de provoquer des occasions de rencontres. Découlant de ma réflexion, voici quelques idées que j’aimerais partager avec vous.

L’isolement professionnel peut être mis à mal en entretenant simplement nos amitiés. Pas des amitiés factices, mais des liens sincères et dénués d’intérêt.

Les associations professionnelles sont aussi des centres importants de contacts, comme la SPACQ et le CQM. La plupart de ces organisations offrent des services de formation continue qui permettent des rencontres avec des collègues tout en peaufinant des connaissances complémentaires utiles à l’exercice de notre art.

Les réseaux sociaux sur Internet ou ailleurs — j’ai des souvenirs impérissables de mes saisons de hockey sur table (merci Ivanhoe) — offrent aussi la possibilité de suivre des activités ou même d’en proposer.

Toujours avoir à l’esprit que l’on sera traité comme on traite les autres. Pendant des années, j’ai joué avec certains musiciens dont je ne connaissais que le prénom !!! Comme on ne se rencontre qu’une ou deux fois par année, ce n’est pas toujours évident de se présenter de façon officielle, mais je ne suis sûrement pas seul à avoir été dans cette situation.

Le principe de l’embauche est très simple : on engage celui que l’on connaît, celui qui est près de nous. Il est inutile, du moins je le crois, d’être entreprenant au point d’être agressif. Il est cependant important de laisser savoir où l’on se trouve et de faire connaître ses champs d’intérêt. On ne sait jamais qui nous appellera pour du travail.

Et vous ? Que faites-vous pour briser l’isolement ?

Compositeur en résidence

Je viens de commencer une expérience formidable. L’école FACE m’a choisi pour être compositeur en résidence à l’occasion de leur 35ième anniversaire de fondation. Quatre ateliers d’initiation à la composition avec les élèves du 4ième et du 5ième secondaire sont au programme. De plus, je vais composer près de 40 minutes de musique pour les différents ensembles de l’école: choeur, orchestre à cordes, harmonies, percussions et autres ensembles de vents et de cuivres. Déjà, une première rencontre avec les élèves a produit du matériel musical sous forme de motifs mélodiques, rythmiques et même des effets de voix. Vous pouvez lire le  communiqué.

Si vous voulez partager vos expériences de l’enseignement de la composition en milieu scolaire, je vous invite à le faire.