L’isolement du musicien

Une des premières conséquences que l’on constate en devenant un compositeur à temps plein est la perte de contact avec les collègues-musiciens. On le vit comme un deuil comme lorsque l’on perd contact avec un ami qui change de ville, de blonde ou même de pays. Pourtant, ils sont là à portée du téléphone ou du courriel.

Tous les interprètes, les musiciens en particulier, ont une double vie. D’une part, ils ont une vie publique liée au spectacle, d’autre part ils travaillent dans l’ombre avec la pratique quotidienne de leur instrument. Un travail d’introspection qui nous amène à un plus grand contrôle de notre expression musicale. Le compositeur, de son côté, a peu de contacts directs avec les musiciens sur une base régulière. C’est pourquoi je me suis surpris à aller voir des spectacles et des concerts comme je ne l’avais jamais fait auparavant !

Ç’a été comme prendre de l’oxygène. On apprécie le travail des amis et l’on se situe plus facilement à l’intérieur de ce que l’on croit être en tant que créateur. C’est une chose de vivre dans ses idées, mais il est bon, de temps en temps, de sortir et de découvrir ce que d’autres mettent en scène. Comme trompettiste, j’assistais rarement à des concerts. C’est paradoxal, mais je sais que mes confrères le comprennent très bien. Si je me pointais à un spectacle, c’est que j’étais sur scène et non dans la salle. De toute façon, j’avais une bonne raison d’en être absent, j’étais soit en train de pratiquer, d’être en répétition ou d’être moi-même en représentation. J’ai vite réalisé que j’aurais eu une carrière toute différente si j’avais été conscient de l’isolement dans lequel je m’étais enfermé.

En voyant ces concerts, en écoutant tous ces enregistrements, en m’ouvrant aux autres, je me suis aperçu que j’aurais pu travailler avec beaucoup de monde si je m’étais donné la peine de leur communiquer mon désir de créer avec eux. Des portes sont restées closes devant moi simplement parce que je n’ai pas cogné à la porte. Il s’agissait pour moi de trouver, mieux encore, de provoquer des occasions de rencontres. Découlant de ma réflexion, voici quelques idées que j’aimerais partager avec vous.

L’isolement professionnel peut être mis à mal en entretenant simplement nos amitiés. Pas des amitiés factices, mais des liens sincères et dénués d’intérêt.

Les associations professionnelles sont aussi des centres importants de contacts, comme la SPACQ et le CQM. La plupart de ces organisations offrent des services de formation continue qui permettent des rencontres avec des collègues tout en peaufinant des connaissances complémentaires utiles à l’exercice de notre art.

Les réseaux sociaux sur Internet ou ailleurs — j’ai des souvenirs impérissables de mes saisons de hockey sur table (merci Ivanhoe) — offrent aussi la possibilité de suivre des activités ou même d’en proposer.

Toujours avoir à l’esprit que l’on sera traité comme on traite les autres. Pendant des années, j’ai joué avec certains musiciens dont je ne connaissais que le prénom !!! Comme on ne se rencontre qu’une ou deux fois par année, ce n’est pas toujours évident de se présenter de façon officielle, mais je ne suis sûrement pas seul à avoir été dans cette situation.

Le principe de l’embauche est très simple : on engage celui que l’on connaît, celui qui est près de nous. Il est inutile, du moins je le crois, d’être entreprenant au point d’être agressif. Il est cependant important de laisser savoir où l’on se trouve et de faire connaître ses champs d’intérêt. On ne sait jamais qui nous appellera pour du travail.

Et vous ? Que faites-vous pour briser l’isolement ?

5 réflexions au sujet de « L’isolement du musicien »

  1. Salut Louis, pour briser l’isolement, j’viens jaser un peu ici. Mais, je n’suis pas un vrai compositeur comme toi. J’suis plutôt un composeur qui fait des inventations. Je n’dis pas ça pour me rabaisser mais, depuis 21 ans déjà, j’travaille avec des enfants au primaire alors, quand j’ai une chance de m’isoler, j’te jure que j’saute dessus en vrai affamé.
    C’est pas que j’n’aime pas mon travail avec les enfants mais, c’est qu’ils me drainent complètement. Quand j’me retrouve seul dans mon p’tit studio, c’est comme la récompense pour les bonnes actions accomplies. Y’a des amis qui viennent de temps en temps échanger des sons avec moi et ça me nourrit.
    Mais, c’est vrai que les plus grandes joies que l’on retire à faire de la musique sont les moments que l’on partage en gang. Rien de tel qu’une bonne rigolade aux larmes partagée par des visages que l’on aime bien!!! D’ailleurs, tu fais partie de ce genre de personnes que j’aime rencontrer. Continue, t’as vraiment une belle démarche!
    G.

    1. Je te comprend Gilles. Un des cadeaux que la vie nous offre c’est la création, l’invention et la capacité de se créer un monde à nous. Si en plus on touche quelqu’un par la même occasion, c’est le bonheur. Le sentiment d’être branché à notre monde intérieur nous donne la possibilité de nous évader du quotidien et de l’apprécier tout à la fois.

      Depuis quelques temps, je travaille avec les élèves et les enseignants de l’école FACE qui, comme tu le sais, est spécialisée dans l’intégration des arts avec le curriculum régulier. On me demande souvent ce que signifie l’acronyme FACE: Formation Artistique au Cœur de la Formation. Je suis en admiration devant les professeurs qui, jour après jour, doivent composer – le terme tombe on ne peut mieux – avec ces boules d’énergies que sont les tous jeunes et les adolescents. J’enseigne beaucoup, mais je m’adresse en général qu’à des élèves d’âges plus élevés pour qui j’ai peu de discipline à imposer. Je ne sais pas si j’aurais la patience et l’endurance de faire ce travail pour les plus jeunes.

      Il n’y a pas de petite ou grande composition lorsqu’il s’agit pour un individu de s’exprimer. Continue de créer.

      Merci de nous faire part de tes expériences Gilles.

  2. Paradoxal en effet qu’on exerce un métier à partager devant public et qu’on se retrouve isolé.

    Pour ma part, je crois qu’un des facteurs d’isolement du musicien est dû son perfectionniste. Je m’explique. Le musicien forge au cours des années une idée bien précise de que l’Art est et, par conséquent, de ce qu’est la musique. Plus ou moins consciemment, il prend position face à cette idée, il se dit «pour faire de la musique, il faut que je sois capable de faire X…» Mais ce qu’il ne réalise pas c’est qu’il y a tout un chemin, un processus d’apprentissage avant de se «rendre» à cette destination mentale. Il en résulte donc un fort sentiment d’incompétence du à la distance entre l’idée de l’Art et les capacités techniques et expressives de l’interprète.

    La solution à cette disposition mentale est, je crois, une attitude d’ouverture et d’acceptation face à l’endroit où l’on se situe sur le chemin de la musique. Si nous ne sommes pas satisfait de ce que nous faisons, le fait que les autres le soient y changera-t-il quelque chose? J’en doute. Voici quelques attitudes qui peuvent aider à cheminer : acceptation, patience, courage, humilité, confiance et humour.

    Par ailleurs, en discutant avec d’autres musiciens, l’on se rend compte que l’on n’est pas seul à vivre cette situation.

    Alors, c’est maintenant ou jamais le temps de se sentir bien avec ce que l’on a!

  3. Moi, pour briser l’isolement, j’ouvre d’autres portes, j’essaye d’élargir ma banque de musiciens, c’est tellement un petit monde que celui des musiciens qu’on peut connaitre quelqu’un en jouant avec lui ou elle. La chimie qui peut s’installer en jouant avec des nouveaux musiciens est une de mes drogues (comme à toutes les fois qu’on a joué ensemble toi et moi). Les conversations avant les spectacles ou les concerts, durant les pauses et après au resto sont pour moi des occasions d’échanger et d’apprendre comment l’autre sent, respire et “trippe” sur les styles de musique qu’il ou elle joue ou a joué et c’est tellement facile d’embarquer dans ce bateau là.

    C’est quand même drôle où notre cheminement peut nous mener. Je suis entré dans le monde des cadets l’an dernier pour travailler sur leur nouveau site Web à contrat. Lle gars qui m’a fait entrer est un musicien du Cercle Philharmonique qui a collaboré avec moi sur le projet du site de l’harmonie.

    Le contrat initial de plus ou moins deux mois n’est pas encore terminé après 1 an et demi, mais je me suis fait une tonne de nouvelles connaissances qui travaillent d’arrache-pied pour faire marcher le mouvement des cadets ainsi que leur musique. C’est une organisation fantastique.

    Résultat, je viens de passer une fin de semaine en clinique musicale avec près de 475 cadets de Montréal et du Nord de Montréal. Je me suis occupé des trombones/barytons/tuba non débutants et j’ai ressenti pour la première fois ce que mes amis professeurs de musique vivaient sur une base quotidienne.

    C’est fantastique et je me suis rendu compte que j’aurais pu faire un bon prof de musique. Ma passion pour cet art a fait tout le travail, j’ai mis toutes mes années d’expérience de musiciens au services des ces jeunes qui ne demandaient que d’absorber comme des éponges. C’était ma première mais surement pas ma dernière expérience car je viens de prendre la piqure.

    Résultat, ils m’ont demandé de prendre la tâche de directeur musical adjoint pour le camp de musique de l’École de Musique des Cadets de la Région de l’Est (EMCRE), un camp qui dure 6 semaines pour les cadets et est une expérience aussi enrichissante pour eux que pour nous.

    Pour revenir à briser l’isolement, ça ferait plaisir à bien du monde de te voir dans l’auditoire pour notre concert de Noël et ton humble serviteur en premier lieu aussi. Je m’ennuie un peu beaucoup de ton sens de l’humour et de ta joie de vivre.

    1. Je me rappelle la première fois que je t’ai entendu au baryton avec l’Harmonie de Saint-Jean-sur-le-Richelieu. J’avais été frappé par ta grande musicalité. Mais, surtout, j’ai réalisé à quel point le talent n’était pas restreint à ceux qui ont fait les grandes écoles comme le conservatoire, dont je suis isssu, ou tout autres CEGEP et universités. J’ai côtoyé presqu’autant de musiciens dit amateurs que de musiciens professionnels durant ma carrière de trompettiste. Peu d’entre ces derniers m’avaient touché par leur jeu que toi. Tu es un musicien d’exception Denis. Je suis convaincu que les cadets ont beaucoup de chance de profiter de ton enseignement. Je ne suis pas étonné de tes talents de pédagogue, tu en as la personnalité: humble, généreux, toujours curieux et avec le feux dans tes yeux nourrit par le désir de communiquer. Merci de partager sur mon blogue. Merci de garder le contact.

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