Attention! Tendances créatrices à l’école
Il y a une petite révolution en marche au Québec. Avez-vous remarqué l’infiltration des compositeurs à l’intérieur des écoles? Avez-vous idée à quel point les manipulateurs du son peuvent avoir un impact sur les jeunes et leur perception de la musique actuelle? Pour en avoir un bel exemple, il suffit de lire l’article du journal The Gazette sur le compositeur Robert Frederick Jones qui a terminé la composition d’une œuvre à partir de son lit d’hôpital.
Artiste, compositeur et pédagogue aimé et respecté au Collège Vanier où il enseigne depuis 1976, Jones a vu son anthologie symphonique La Terra Promessa être créée par de jeunes artistes au concert de fin d’année de la chorale du Collège Vanier. Sous la direction de Philippe Bourque, le concert a eu lieu le vendredi 6 mai à l’Église Saint-Sixte à Ville Saint-Laurent. À cette formation vocale s’est ajouté le Chœur Saint-Laurent ainsi que l’Orchestre symphonique de l’école Joseph-François Perreault. Le public, composé d’élèves, de parents et d’amis, lui a réservé une ovation monstre après l’écoute de cette gigantesque fresque musicale d’une durée de plus de 40 minutes. Depuis plusieurs années, plusieurs œuvres sont d’ailleurs jouées par les élèves du Collège Vanier. C’est l’un des rares exemples d’intégration régulière de la composition moderne à l’intérieur d’une institution scolaire publique.
Les temps changent… pour le mieux.
Les écoles publiques font face à un défi de taille qui leur est imposé par la réforme en éducation : intégrer la composition musicale à l’intérieur de leur programme de musique déjà surchargé, tout en faisant face au problème du temps accordé à la pratique instrumentale. Les enseignants sont souvent démunis puisqu’ils n’ont pas tous eu une formation en ce sens. Plusieurs expériences et tentatives sont mises en œuvre pour stimuler un intérêt envers les créations musicales et leurs créateurs. Elles prennent plusieurs forment et plusieurs visages.
L’Orchestre symphonique de Laval a un compositeur en résidence qui ne se contente pas de composer. Il met aussi en marche l’esprit créateur des jeunes du niveau secondaire dans les écoles de Laval. Tim Brady est le complice du chef attitré de l’OSL, Alain Trudel. Ils ont tous deux concocté un programme intitulé : L’OSL et les écoles. Ils préconisent une formule originale :
« Tim visite durant plusieurs semaines une vingtaine de jeunes par école et les convie à la composition d’une œuvre, dont le succès ou l’échec (car les deux se peuvent lorsqu’il est question de création!) leur revient.
« Tim Brady couche ensuite sur papier les orchestrations finales (en suivant strictement les consignes et idées des jeunes compositeurs). Sous la direction d’Alain Trudel, les musiciens de l’OSL interprètent l’œuvre lors des matinées jeunesse en lien avec le thème abordé par la pièce. »
Quelle belle façon de stimuler la création, d’intéresser les jeunes à la musique de concert et, pour un grand orchestre, de s’approprier le volet implication communautaire.
D’autres partenariats ont pris forme au cours des dernières années :
- L’Orchestre métropolitain du Grand Montréal a frappé un grand coup en créant la pièce pour orchestre et ensemble à percussion ORFF intitulée Choses étonnantes vues en rêve du compositeur Nicolas Gilbert en 2009.
- La Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île a fait appel à André Hamel dans le cadre du programme Libre comme l’art qui était suivi de l’activité On joue ensemble de la même commission scolaire. Cinq écoles ont été réunies pour aider à la création et jouer par la suite le fruit des ateliers de création dirigés par le compositeur.
- De mon côté, j’ai eu le privilège d’être compositeur en résidence pour l’École FACE qui fêtait son 35e anniversaire. Suite à l’expérience FACE, j’ai suivi les traces d’André Hamel avec Libre comme l’art et On joue ensemble. L’auteur-compositeur Mario Chenart m’a demandé de participer à des ateliers de composition pour les élèves d’Esther Gonzalez dans une école primaire anglophone de Montréal : St. Dorothy. Mario s’occupait du volet création de chansons et moi du volet création instrumentale.
C’est sans compter toutes les autres initiatives un peu partout dans la province.
Toutes ces expériences peuvent se décliner en trois types de participation des élèves :
- Création
- Performance
- Création et performance
L’objectif avoué est de donner des outils aux enseignants et aux élèves afin qu’ils puissent profiter de l’expérience et de la vision que peut apporter un compositeur. Ils ont un aperçu de certaines techniques d’écriture et de l’élaboration des structures musicales. Il s’agit d’éléments essentiels à la compréhension de la musique actuelle. Plus un jeune étudiant aura été exposé aux rudiments de la composition, plus il développera une curiosité pour des musiques non traditionnelles. Il enrichit son vocabulaire musical et son sens critique.
J’en profite pour saluer l’initiative de la FAMEQ pour la programmation d’œuvres québécoises prévue au Grand concert du 18 novembre prochain, qui aura lieu dans le cadre de son grand rassemblement annuel. Ainsi, nous aurons la chance d’entendre des œuvres d’Ana Sokolovic, d’André Jutras, de Jonathan Dagenais, de Luc Lévesque, de Richard Poulin, de moi-même et ainsi que d’autres compositeurs d’ici qui s’ajouteront à cette liste.
On doit aussi souligner le travail du Centre de musique canadienne au Québec qui est à la source de plusieurs des projets citée plus haut. Et je salue au passage Mme Mireille Gagné qui quitte son poste de directrice régionale du Québec après 30 ans de travail incessant. Elle a contribué à faire connaître et aider à la diffusion de nos compositeurs canadiens et plus particulièrement québécois.
La diffusion des œuvres est essentielle. L’avenir des compositeurs passe nécessairement par l’appropriation de leurs œuvres par les jeunes d’aujourd’hui qui seront le public de demain. On peut sentir un vent d’optimisme se lever plein de promesses…
Qu’en est-il chez-vous?
Cet article a paru dans la revue Musique et pédagogie de la FAMEQ volume 25 – numéro 3 – printemps/été 2011