Éducation

Education, enseignement, formation par Louis Babin

Une création : «Quatre», avec le Quatuor Molinari

Aujourd’hui, le Quatuor Molinari présentait pour la toute première fois le spectacle jeune public intitulé Quatre.

Les enfants ont beaucoup apprécié et leurs réactions étaient sans équivoque.

Guillaume Girard et moi avons travaillé à la conception du spectacle : Guillaume au texte et moi à la musique.

Pour en savoir plus

Quatre

Quatre, c’est une histoire toute simple : celle de quatre musiciens qui doivent présenter un spectacle de musique pour quatuor à cordes dans une école primaire. Seul petit problème : ils n’arrivent pas à s’entendre sur l’identité du chef de la bande. En effet, chacun revendique le statut de chef du groupe. S’en suivent une confrontation et le plaidoyer de chacun d’eux pour mettre en valeur ses talents de meneur. Au final, ils seront forcés d’admettre qu’ils gagnent plus à unir leurs efforts qu’à vouloir s’imposer individuellement aux trois autres. Ils réaliseront qu’une bonne équipe est constituée d’individus différents qui se mettent au service d’un objectif commun.

La création du spectacle jeune public «Quatre»
avec le Quatuor Molinari.

Les œuvres nouvelles et les jeunes

(Cet article a été publié dans la revue Musicien éducateur au Canada, Volume 54 – Numéro 3 – Printemps 2013)

L’été dernier, j’ai eu la chance de vivre une expérience qui alliait rencontre et création. J’ai eu la chance, et le défi, de diriger de jeunes musiciens de 15 à 25 ans provenant de plusieurs pays d’Europe et des Amériques lors de la création d’une de mes œuvres. Provenant de cultures variées séparées par la barrière des langues, ils partageaient toutefois un amour véritable pour la musique et la pratique de leur instrument.

Cela se passait au Festival Eurochestries qui se tenait en Charente-Maritime en France[1]. Cette rencontre exceptionnelle mettait en présence des orchestres et ensembles de Russie, d’Espagne, de Turquie, du Brésil, du Canada (Québec) et de France[2].

Échange culturel et obligation de performance

Je connais bien la pratique dans certaines écoles, chœurs ou orchestres amateurs, alors que l’un reçoit l’autre dans son pays ou sa ville. Les participants d’un groupe mettent la main à la pâte afin d’accueillir ceux qui les ont accueillis lors de la première partie de ces échanges culturels. J’ai aussi participé à des camps musicaux qui me permettaient de jouer avec d’autres musiciens des différentes régions du pays. Ces rencontres sont enrichissantes et excitantes pour les musiciens en herbe, et pour ceux qui ont déjà une certaine expérience du métier de musicien. Elles deviennent vite une source de souvenirs, d’expériences inoubliables et de fierté.

Mais les Eurochestries sont en fait le mélange d’un échange culturel tout en faisant partie d’un véritable festival, avec les obligations de performance qui s’y rattachent. Celui auquel j’ai participé cet été était particulièrement intense. Plus de 40 concerts y ont été présentés par les différents ensembles dans un territoire assez vaste, soit en Charente-Maritime dans le sud-ouest de la France, le pays du cognac et du pineau. De fait, les participants sont hébergés et nourris aux frais du festival. Seuls les frais de transport pour se rendre au festival sont la responsabilité des ensembles participants.

Créer une œuvre avec un orchestre de jeunes

Autre particularité, ma présence en tant que compositeur en résidence. Le festival avait comme thème « Saint-Exupéry : Hommage autour de son œuvre. En lien avec ce thème, le président du festival, M. Claude Révolte, m’a commandé une œuvre symphonique qui en ferait l’illustration musicale. La création de l’œuvre «Saint-Exupéry : de cœur, de sable et d’étoiles» est diffusée sur Internet[3].

Ma réflexion ici porte surtout sur le travail et la perception des jeunes musiciens qui unissent leurs talents et leurs efforts pour interpréter une création musicale pour laquelle ils n’ont aucune référence. Les jeunes interprètes ne sont pas différents du grand public. Ils ont une certaine appréhension de ce qui est inconnu. Et contrairement aux Massenet, Moussorsky, Strauss et autres compositeurs bien ancrés dans la mémoire collective, il est toujours plus délicat de proposer une œuvre nouvelle. Les langages harmonique, mélodique et, dans une moindre mesure, rythmique peuvent être rébarbatifs pour plusieurs. Mon expérience de création avec quelques écoles[4] m’a bien servie et j’en ai tiré quelques observations.

La sincérité de l’œuvre proposée

La sincérité me semble être la première qualité recherchée dans les rapports entre humains, mais aussi dans les compositions proposées. Qu’importe le type d’esthétisme proposé, cette sincérité doit être transmise de l’œuvre aux interprètes.

L’engagement

On doit aussi faire réaliser aux jeunes l’importance du geste de création auquel ils participent. En tant qu’interprète, ils sont un rouage essentiel non seulement à la transmission de la nouvelle pièce, mais ils ont aussi un impact sur certains éléments de la création. Ceux qui proposent les œuvres nouvelles – compositeur, professeurs, chefs – doivent aussi faire partager cet engagement, cet amour envers des expériences nouvelles. Repousser les limites du répertoire traditionnel avec le plaisir de la découverte.

La première lecture

Tout créateur doit agir prudemment devant la réaction des jeunes lors de la première lecture d’une nouvelle œuvre. On le sait, les jeunes ont peu de filtres. Ils font des commentaires directs pouvant parfois être blessants. C’est souvent une réaction légitime alors qu’ils vivent une situation musicale inhabituelle qui les sort de leur zone de confort. Il ne faut pas s’en formaliser. J’ai vu l’opinion de certains jeunes musiciens se transformer en un enthousiasme et un attachement profonds pour une musique qui, au départ, avait suscité des réactions négatives.

L’explication d’une œuvre

Le temps de répétition est précieux. C’est tout aussi vrai pour les professionnels que pour les titulaires en classe. Peu de temps est disponible pour expliquer les motivations de la pièce lorsqu’elles sont élaborées. La mécanique compositionnelle et l’observation des structures mélodiques, harmoniques et rythmiques sont mises de côté par manque de temps. Pourtant, les jeunes interprètes gagneraient à connaître ces informations, qui les aideraient à mieux saisir la réalité musicale et à se sentir plus engagés. Cela peut se faire sous la forme d’un petit document explicatif que les jeunes peuvent consulter.

La force de la musique d’aujourd’hui

Il ne faut pas sous-estimer la portée d’une musique actuelle dans le paysage musical. Il y a un attachement viscéral qui lie notre psyché musicale à notre environnement quotidien. Combien de fois ai-je vu des spectateurs fascinés par un effet sonore incorporé dans une pièce. Certes, on veut une musique qui puisse être compréhensible rapidement, mais elle a avantage à incorporer des techniques modernes. Les musiques à l’image sont souvent plus avant-gardistes que les pièces que les jeunes musiciens abordent en concert. C’est que souvent la musique contemporaine est un support naturel à l’image. Comme si les images proposées par le film soulageaient le spectateur du fardeau de créer ses propres images à l’écoute d’une musique non conventionnelle.

Une éducation qui prône le respect des autres cultures et des humains qui les composent va de pair avec une ouverture d’esprit. Il me semble important que les jeunes puissent affronter la peur de l’inconnu en ayant les outils qui permettent de décoder ce qui semble indéchiffrable au premier abord. Je crois que la musique d’aujourd’hui offre une occasion de mettre en pratique des mécanismes permettant aux jeunes de façonner leur compréhension du monde en les plongeant dans des univers musicaux éclatés.

Ce qui me ramène à l’expérience vécue l’été dernier. Non seulement il y avait la création d’une œuvre musicale, mais le contexte linguistique particulier ajoutait aussi au défi. Et tout comme ma pièce a peu à peu conquis les cœurs, des amitiés se sont soudées tout au long du festival. Des amitiés qui vont au-delà des langues, des cultures et de la musique!



[2] Orchestre national symphonique des jeunes de Turquie, sous la direction de M. Orhun Orhon

Le jeune orchestres symphonique de Soria (Espagne), sous la direction de Borja Quintas

Orchestre à cordes des jeunes de Moscou (Russie), sous la direction de M. Vasili Valitov

Orchestre à cordes des jeunes de Laval (Québec), sous la direction de Mme Manon Reddy

Chœur de garçon «Ladya» de Togliatti (Russie), sous la direction de Mme Galina Devyatkina

Ensemble de violons «VIVAlini» de Krasnoïarsk (Russie), sous la direction de Mme Elena Voytina

Quatuor de clarinettes «Ômega» de Rio de Janiero (Brésil)

Les jeunes solistes de France

Michaël Benyumov, chef invité de Krasnoïarsk (Russie)

[4] Compositeur en résidence, École FACE, Montréal, 2010

Ateliers de création, compositeur, Commission scolaire de la Pointe-de-L’Île, Montréal, 2010

Ateliers de création musicale, St. Dorothy Elementary School, Montréal, 2011

Spectacle jeunesse Quatuor Molinari

Le Quatuor Molinari est très heureux de proposer comme activité aux écoles son spectacle jeunesse intitulé QUATRE. Ce tout nouveau spectacle pour les jeunes du primaire a été commandé par le Quatuor Molinari au compositeur Louis Babin et au scénariste Guillaume Girard. Conçu pour introduire les jeunes à la formation du quatuor à cordes, ce théâtre musical est à la fois ludique et interactif.

Pour information

 

Le Quatuor Molinari
Frédéric Lambert, Olga Ranzenhofer, Frédéric Bednarz et Pierre-Alain Bouvrette
Photo LaPresse

 

Créations choisies au Concours de musiques québécoise CMC Québec

Je suis très fier de faire partie de cette première édition du Concours de musiques québécoises CMC Québec présenté par Québecor.

Ma pièce Allez, viens! pour piano sera publiée avec la pièce gagnante du concours : Presso de mon collègue Denis Dion que je félicite.

C’est la première collaboration entre Québecor et le Centre de musique canadienne. J’espère que ce n’est que le début d’une longue et fructueuse association.

Communiqué de presse

Dans les coulisses de la création

Plus que trois jours avant mon départ pour la Charente-Maritime et le Festival Eurochestries. Un rendez-vous avec de jeunes interprètes de Russie, de Turquie, de France, du Brésil et du… Québec!

Ce sera la création de ma pièce en trois mouvements pour orchestre : Saint-Exupéry : de cœur, de sable et d’étoiles.

L’expérience de diriger sa composition est l’occasion d’offrir certaines clés d’éléments qui constituent les fondements de l’œuvre. Comme le temps de répétition ne permet pas d’avoir des échanges poussés sur les motivations de l’écriture et l’exposition de ses composantes, j’ai jugé à propos de mettre à la disposition des musiciens et des curieux un petit document expliquant en partie le travail qui se fait en coulisse lors de l’écriture. Le document lève le voile sur l’origine des motifs qui à leur tour s’assemblent pour former des thèmes qui sont présents dans les trois mouvements.

Chaque compositeur est unique dans sa façon d’aborder la composition. Tellement d’options s’offrent à chacun des créateurs qu’il devient nécessaire de faire des choix qui limiteront le terrain de jeux. Trop d’éparpillement enlève de la force au discours musical et créé de la confusion pour l’auditeur. Ce tri au travers des éléments possibles de composition, la manière d’aborder les problèmes qui se présentent au cours du travail et les solutions choisies détermineront la personnalité de l’écriture et de son auteur.

Chaque pièce musicale possède son histoire, son ADN. La commande du festival s’inscrit dans la thématique Antoine de Saint-Exupéry. J’avais le souvenir du Petit Prince, mais il était essentiel de plonger littéralement dans ses écrits, dans sa vie et son époque. Des éléments forts ressortaient de cette recherche : le pilote, le Petit Prince, l’humaniste, la guerre, le tout lié par l’écriture qui est dense et sans compromis. Une prose qu’il veut sans fioriture. Aller directement au cœur de l’Homme, comme dans son écriture. C’est surtout cet aspect qui m’a littéralement envoûté. On est pris à bras le corps par cette écriture ferme, nettoyé du superflu.

J’ai pris quelques-uns de ces ingrédients pour fixer ma toile musicale.

Les titres de chaque mouvement sont entre parenthèses.

La vie de pilote de Saint-Exupéry, 1er mouvement (Vol de vie)

Le code Morse était en usage, aussi l’ais-je utilisé pour créer certains rythmes associés aux noms suivants : St-Ex, P-38, SOS, fleur. Le Morse est associé aux communications militaire et civile. Saint-Exupéry a embrassé ces deux mondes que ce soit avec l’Aéropostale ou avec l’armée française.

STEX

Tout comme dans Courrier Sud, Pilote de guerre et Vol de nuit, la ligne narrative ancrée dans le temps présent s’échappe à l’occasion pour philosopher sur le caractère de l’Homme. Il parle de la bravoure, de l’humilité et de la grandeur de ceux qui portent en eux la pureté de l’âme. Le mot pur est une constante chez lui lorsqu’il parle du ciel. Voler pour lui c’était s’extirper d’une vie sans relief et sans intérêt. Le premier mouvement se termine avec sa disparition du ciel en 1944.

 

Évocation de la rencontre du Petit Prince et de l’Aviateur, 2e mouvement (Les adieux au Petit Prince)

Les dunes chantantes servent de trame de fond pour l’arrivée de l’avion qui prend forme grâce aux rhombes qui font vibrer l’air. Puis le Petit Prince apparaît. Il se met à raconter les planètes qu’il a visitées et les aventures qu’il a vécues. Celle qui accapare ses pensées, la Rose, est personnifiée par le violon solo. Et c’est pour la retrouver qu’il demandera à retourner chez lui, vers les étoiles. Son retour sera provoqué par la morsure du serpent.

RECIT

Ainsi donc Saint-Exupéry et le Petit-Prince qui forment ensemble l’écrivain auront quitté la planète pour plonger dans l’éternité céleste…

Mais l’histoire ne fait que commencer!

L’humaniste, 3e mouvement (La Marche des Hommes)

La vie et l’œuvre de Saint-Exupéry sont universelles parce qu’elles parlent du cœur par le biais du vécu et qu’elles touchent aux valeurs fondamentales de l’entraide. Les valeurs qu’il défend sont celles du respect de sois et des autres. Ici, ce sont Citadelle, Lettre à un otage et Terre des Hommes qui soutiennent la structure de la pièce. C’est la Marche des Hommes qui s’unissent pour le bien commun. Des Hommes qui célèbrent le courage, la vie et l’amitié sans condition.

MARCHE

Pour les curieux, voici donc une petite fenêtre sur une de mes façons d’aborder la composition :  Presentation et motifs : Saint-Exupéry